Les droits d’auteur

LES DROITS D’AUTEUR :
Définition légale

Le droit d’auteur constitue une branche de la propriété littéraire et artistique. Il a pour vocation de fixer un cadre juridique très protecteur pour l’auteur, créateur d’une œuvre de l’esprit. L’ensemble des normes constituant ce droit a été codifié par la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992 créant ainsi le Code de la propriété intellectuelle (CPI). Régulièrement, de nouvelles lois et décrets sont adoptés modifiant certains articles.

Auteur

En droit français, « l’auteur » est la personne physique qui crée l’œuvre (photographe, réalisateur, écrivain, chorégraphe, architecte…). Il est titulaire des droits d’auteur dès la création de l’oeuvre, indépendamment de son statut ou des circonstances dans lesquelles il réalise l’œuvre. Est considérée comme auteur la personne sous le nom de qui l’œuvre a été diffusée la première fois.

Photographie / Oeuvre de l’esprit

La photographie est une œuvre au sens du CPI (art. L. 112-2 du CPI). Afin de bénéficier de la protection, l’auteur devra apporter la preuve que son œuvre est originale.

Protection du fait de la création

Aucune formalité spécifique (dépôt…) n’est requise pour qu’une œuvre soit protégée. L’œuvre bénéficie de la protection du droit d’auteur du seul fait de sa création (art. L. 111-1 du CPI).

Indifférence du mérite, de la destination, du genre

L’art. L.112-1 du CPI dispose que le CPI protège « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite et la destination ». Cela signifie qu’un juge ne devra pas écarter la protection par le droit d’auteur sur la base des caractéristiques susmentionnées. L’unique critère pour bénéficier de la protection des droits d’auteurs est l’originalité.

Originalité

L’originalité est une notion clé du droit d’auteur. En effet, pour qu’une œuvre profite de la protection du droit d’auteur, le juge vérifiera que la création a une forme originale.

Cela signifie d’une part que les idées ne trouvent pas de protection légale dans le code de la propriété intellectuelle et d’autre part impose que l’auteur démontre que son œuvre est originale.

En matière de contrefaçon, l’auteur doit construire une argumentation construite pour convaincre le juge que son œuvre est originale. Dans bon nombre d’affaires, la protection du droit d’auteur est écartée du fait que l’auteur n’a pas mené d’argumentaire suffisamment solide démontrant l’originalité de son oeuvre.

Distinction support et oeuvre

La photographie, comme toute création intellectuelle, n’est pas un bien comme les autres (art. L. 111.3 du CPI). Pour bien comprendre le droit d’auteur, il faut toujours avoir à l’esprit que la propriété matérielle du support se distingue de la propriété immatérielle de l’œuvre (droits qui encadrent l’exploitation de l’œuvre).

Droits des auteurs

Les œuvres de l’esprit confèrent deux types de droits à leur auteur (art. L.111-1 du CPI) :

Les droits patrimoniaux, d’ordre économique, qui découlent de l’exploitation de l’œuvre (art. L.122-1 et s. du CPI)
Les droits moraux qui protègent le lien symbolique, sorte de cordon ombilical, qui rattache l’auteur à son oeuvre (art. L.121-1 et suivant du CPI).
Les droits moraux

« L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. » (art. L.121-1 du CPI).

Le droit moral de l’auteur a pour objet de protéger le lien privilégié qu’a l’auteur avec son œuvre. C’est un droit de la personnalité qui est « perpétuel, inaliénable et imprescriptible ».

L’absence de crédit photo, la mention « DR » (droits réservés), l’appellation marketing de « libre de droit », le montage ou la dénaturation d’une photographie sans l’accord de l’auteur sont des atteintes au droit d’auteur qui ne sont pas admissibles.

De jurisprudence constante, il est reconnu que le droit moral est d’ordre public. Cela signifie qu’on ne peut y déroger. Les auteurs comme les diffuseurs doivent respecter ces dispositions dans leurs conventions (contrats) sous peine de nullité de la clause litigieuse.

Les droits patrimoniaux

Le droit patrimonial encadre l’exploitation de l’œuvre (art. L.122-1 et suivant du CPI). Il appartient exclusivement au photographe dès qu’il crée une œuvre et non à celui qui la commande.

Le droit patrimonial comprend deux volets :

Le droit de représentation exige l’autorisation écrite de l’auteur pour la communication de son œuvre au public (exposition, télévision, Internet…), aucune utilisation publique ne pouvant être faîte sans accord de l’auteur.
Le droit de reproduction exige également l’autorisation écrite de l’auteur pour toute fixation de son œuvre sur un support permettant de la communiquer au public (édition, affichage, télévision, Internet…).
Délimitation d’une cession de droit

La cession de droit est l’autorisation écrite donnée par l’auteur d’exploiter son œuvre dans des conditions déterminées.

La loi impose que les cessions de droit doivent être strictement et clairement délimitées quant à l’étendue, la destination, le lieu et la durée et que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte (art. L.131-3 du CPI).

La philosophie de cette disposition est de renforcer l’idée que l’auteur dispose d’un droit exclusif d’exploitation sur son œuvre et il doit toujours pouvoir contrôler l’usage qui est fait de son œuvre.

De nombreux contrats prévoient une cession de droit dans laquelle tous les modes d’exploitation, tous les supports, des droits cédés ad vitam eternam, pour le monde entier sont envisagés. Ces contrats léonins ne sont pas conformes au CPI. En effet, ils ne définissent pas clairement le nombre d’exemplaires de la publication ou d’affichages et ne délimitent ni la durée, ni le territoire, ni la destination de l’exploitation. Il est concrètement impossible dans ces conditions d’envisager une juste rémunération pour le photographe. Devant l’insécurité juridique dans laquelle se trouvent les diffuseurs, il est du devoir des photographes de refuser ce type de contrat.

L’art. L.131-3 du CPI est une disposition impérative, on ne peut y déroger. De plus, en cas de litige, le juge opère une interprétation restrictive de ces clauses en faveur de l’auteur. Tout ce qui n’est pas expressément cédé par l’auteur reste sa propriété.

La notion « libre de droits » n’existe pas en droit français. Cette appellation est manifestement contraire au Code de la Propriété Intellectuelle (articles L.111-1, L. 121-1, L. 131-3).

La rémunération de l’auteur

La rémunération issue des droits d’auteur est distincte de la rémunération de mise en œuvre qui est une contrepartie de la prestation (temps passé).

Le CPI pose un principe selon lequel la rémunération issue du droit d’auteur doit être proportionnelle ; Ainsi, l’article L.131-4 du CPI dispose : « La cession par l’auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation ».
Concrètement, la rémunération proportionnelle est un pourcentage des profits tirés de l’exploitation de l’œuvre.

Le code prévoit qu’une rémunération forfaitaire soit définie dans des cas spécifiques. C’est notamment le cas lorsque la rémunération proportionnelle est impossible à appliquer.

En cas de litige, les juges ont la possibilité de réviser les conditions de prix du contrat (forfait) si la rémunération prévue ou la prévision des produits de l’œuvre cause un préjudice à l’auteur de plus de 7/12eme (art.. L.131-5 du CPI).

Litiges les plus courants

La contrefaçon

Toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits d’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi, sont constitutifs d’une contrefaçon (art. L.335-2 et suivant du CPI).

Cela signifie que toute exploitation de la photo qui n’aurait pas été prévue par un contrat est susceptible de constituer une contrefaçon qui ouvre la possibilité d’engager une procédure.

La contrefaçon est un délit. Le contrefacteur peut faire l’objet d’une condamnation pénale.

La propriété des originaux

L’art. L. 111-3 du CPI dispose que « la propriété incorporelle définie par l’art. L.111-1 est indépendante de la propriété de l’objet matériel ».

Fréquemment, les photographes font face à des litiges portant sur la restitution de leurs originaux. Certains diffuseurs considèrent qu’une cession de droit emporte transfert de propriété des originaux. Ces agissements ne sont pas conformes au CPI qui opère une nette distinction entre propriété corporelle (propriété de l’original) et propriété incorporelle (droits portant sur l’œuvre).

Cela signifie que lorsque l’auteur cède des droits sur son œuvre, il reste le propriétaire des originaux. A contrario, cela signifie que lorsqu’il vend l’original, il reste titulaire de ses droits sur son œuvre.

Toutefois, le photographe facturant l’achat et le développement des films à son client peut se voir opposer la propriété du support par le cessionnaire des droits. Par un arrêt du 24 janvier 2002, la Cour d’appel de Versailles a considéré qu’en facturant indépendamment des droits de reproduction des œuvres photographiques et le coût des clichés qui en étaient le support, le photographe avait transmis à la société commanditaire la propriété matérielle des clichés.

La dénaturation de l’œuvre

Certains diffuseurs se permettent de dénaturer l’œuvre de l’auteur par montage ou en la modifiant sans avoir demandé l’autorisation expresse de l’auteur. Cette pratique n’est pas conforme à l’Art. L121-1 CPI portant sur le droit moral de l’auteur qui dispose que « l’auteur, jouit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ».

Absence de signature

Il arrive fréquemment que des œuvres soient diffusées sans que le nom de l’auteur soit mentionné. Ces pratiques sont illégales au sens de l’art. L.121-1 du CPI.

Sous de nombreuses publications de photographies dans la presse, il apparaît la mention « DR » (Droits réservés). Cette pratique, loin d’être marginale, est manifestement illégale au regard du droit moral de l’auteur et du monopole d’exploitation dont bénéficie l’auteur.

Il est à rappeler que les œuvres dont on ne connaît pas l’auteur (« œuvres orphelines ») ne peuvent nullement être exploitées sans accord de l’auteur.

Droits à l’image

Préambule

Les droits opposables aux photographes communément appelés « droit à l’image » sont le fruit d’une construction jurisprudentielle complexe et instable qui s’est développée au cours du XXe siècle.

Contrairement à ce qui est communément admis par le public, le droit à l’image n’est pas inscrit dans une loi. Les juges ont été amenés à apporter des solutions à des litiges relatifs à l’image dans lesquels il était nécessaire de mettre en balance diverses libertés fondamentales pour résoudre ces conflits (liberté d’expression, liberté de communication, droit de propriété, respect de la vie privée…). Le droit à l’image n’existe donc pas en tant que tel, il est plus juste juridiquement de parler de « droits opposables aux photographes ».

Le photographe doit se poser la question sur l’existence de droits qui lui seraient opposables et éventuellement se prémunir en demandant les autorisations pour pouvoir diffuser ses photographies. De manière générale, le photographe doit faire preuve de bon sens et, avant toute prise de vue, se poser la question de savoir s’il peut photographier et surtout s’il peut diffuser.

Droit à l’image du propriétaire

Image et propriété matérielle

Avant 2004, en cas de litige, les juges se basaient sur l’art. 544 du code civil et considéraient que l’image des biens était une composante de la propriété. Les propriétaires se prévalaient alors de leur droit de propriété pour interdire au photographe de publier leur bien.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 7 mai 2004 a significativement clarifié le droit à l’image des biens. Le propriétaire qui veut intenter une action contre un photographe ayant photographié son bien, depuis l’espace public, doit désormais prouver devant les juges l’existence d’un « trouble anormal ».

Par contre, si la prise de vue est réalisée dans un lieu privé, il est conseillé d’obtenir une autorisation du propriétaire qui n’est pas tenu de justifier son refus.

Image et propriété immatérielle

Image et droits d’auteur

Le Code de la propriété intellectuelle qui est la base juridique de notre profession d’auteur photographe, s’applique aussi aux autres auteurs (peintres, sculpteurs, architectes, designers, graphistes, chorégraphes, écrivains…).

Leurs créations originales sont des œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur (CPI). Le photographe doit obtenir l’autorisation de l’auteur de ces œuvres pour pouvoir diffuser ces photographies. Par exemple, un bâtiment récent sera protégé par le droit d’auteur de l’architecte et 70 ans après la mort de l’auteur. Il en va de même pour les sculptures, peintures, œuvres littéraires mais aussi pour des photographies.

Le photographe doit prévenir son diffuseur sur l’existence d’autres droits patrimoniaux que les siens. Il appartient au diffuseur de rémunérer justement l’auteur de l’œuvre photographiée ainsi que le photographe pour les droits que chacun cède.

Image et propriété industrielle

Nous sommes parfois amenés à photographier des biens sur lesquels apparaissent des marques, brevets, dénominations sociales ou d’autres signes distinctifs. Ces éléments sont protégés par le Code de la Propriété intellectuelle. Le photographe devra donc se prémunir d’une autorisation des titulaires de ces droits pour diffuser l’image.

Droit au respect de la vie privée

Ce droit, base juridique du « droit à l’image des personnes », trouve son fondement dans l’art.9 du code civil qui dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée.».

En cas de litige, les juges reconnaissent classiquement que « toute personne dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation expresse ».

Par conséquent, dès lors qu’une personne est le sujet principal de l’image et parfaitement reconnaissable, il faut obtenir son autorisation. Cette obligation se trouve renforcée lorsque ce sont des mineurs qui sont photographiés. Dans ce cas, il faut l’autorisation de ses deux parents ou représentants légaux.

Cela ne signifie pas pour autant que dans toutes les situations les personnes photographiées pourront s’opposer à la diffusion de leur image. En effet, le juge a admis sur la base de la liberté d’expression et du droit à l’information du public (art.10 de la Convention européenne des droits de l’homme) qu’il était possible de publier des images de personnes impliquées dans un événement dès lors que cette image était destinée à l’information légitime du public et qu’elle ne portait pas atteinte à la dignité de cette personne.

Toute image d’actualité immédiate se trouve donc exonérée de demande d’autorisation.

Le juge a parfois entendu au sens large la notion le droit de l’information déboutant ainsi des personnes qui réclamaient des dommages et intérêts pour la diffusion de leurs images sans leur autorisation.

Le 2 juin 2004, le tribunal de grande instance de Paris reconnaissait que les photographies en cause étaient « une œuvre artistique par l’originalité de la démarche de l’auteur ». Dans cette décision, le photographe n’avait pas demandé l’autorisation des voyageurs du métro parisien. Il avait été considéré par les juges que le préjudice était inexistant parce que « les portraits des personnes ne les montraient pas dans une situation dégradante ».

De même, le 25 juin 2007, concernant la publication du livre Perdre la tête qui réunissait des clichés d’anonymes et de célébrités pris dans la rue, le Tribunal de grande instance de Paris a estimé que « l’atteinte à la dignité n’était pas établie et qu’il convenait de privilégier la liberté artistique sur le droit à l’image des personnes – même particulièrement vulnérables – que le photographe entend précisément défendre. »

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